Jean-Paul Brighelli plaide pour le retour des vraies épreuves à Sciences Po
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La sélection à Sciences Po : une réforme sous tension
Un retour en grâce pour l’écrit, mais à quel prix ?
En 2025, le concours d’entrée à Sciences Po intègrera un dossier académique où l’épreuve écrite de français au baccalauréat pèsera lourdement. Sur le papier, cette réforme semble valoriser la maîtrise de l’écrit, une compétence clé dans l’enseignement supérieur et la vie professionnelle. Mais en réalité, ces notes sont souvent faussées par une tendance généralisée à l’indulgence, qu’elle soit volontaire de la part des enseignants ou imposée par des consignes administratives. Le bac n’est plus un révélateur du véritable niveau des élèves. Ce problème dépasse Sciences Po et reflète les dérives d’un système scolaire où la « moyenne » est devenue un objectif plutôt qu’une mesure fiable des acquis.
Écrit versus oral : un débat sociologique
Si l’écrit est souvent considéré comme plus équitable, c’est parce qu’il permet de gommer partiellement les inégalités sociales. À l’inverse, l’oral, qui prendra une place importante dans le nouveau concours, expose davantage les origines socioculturelles des candidats. Pour que cette épreuve soit juste, encore faudrait-il que les élèves soient formés à cet exercice exigeant. Malheureusement, les jeunes sont souvent laissés à eux-mêmes, sans apprentissage des codes formels de l’éloquence. Résultat : les candidats issus de milieux favorisés, où la culture générale et le langage soutenu sont des habitudes, partent avec une longueur d’avance.
Des épreuves à distance : une solution contestée
Le recours à des oraux en visioconférence pose également question. La communication non verbale, essentielle dans un entretien, est largement atténuée à travers un écran. Cette restriction pénalise les candidats qui pourraient briller en face à face. Une véritable évaluation orale mérite des conditions optimales : une rencontre en présentiel où l’on peut juger de l’assurance et de la sincérité du candidat.
Un système scolaire à repenser
Le problème fondamental ne se limite pas au concours de Sciences Po. Il reflète les lacunes structurelles de l’Éducation nationale. Depuis des années, l’école privilégie une égalité mal interprétée, où le nivellement par le bas prime sur l’exigence. Cette approche produit des élèves insuffisamment préparés pour des concours sélectifs. Les réformes, aussi bien intentionnées soient-elles, s’appuient sur un socle scolaire défaillant. Avec une telle base, espérer allier excellence académique et ouverture sociale relève du vœu pieux.
Excellence et diversité : un équilibre introuvable ?
Les initiatives visant à diversifier les profils à Sciences Po, comme celles mises en place par des réformes antérieures, ont montré leurs limites. Peu d’élèves issus de ces dispositifs ont réellement réussi à intégrer les grandes écoles d’administration. Pourquoi ? Parce que l’excellence ne se décrète pas : elle se construit dès les premières années d’école. Tant que l’Éducation nationale ne remettra pas l’exigence au cœur de son projet, les concours des grandes écoles ne feront que refléter les inégalités existantes.
Un concours à repenser pour plus de justice
Pour donner à tous les candidats une chance équitable, Sciences Po devrait envisager un retour à des épreuves véritablement sélectives et formatrices. Une combinaison d’écrit et d’oral, menée dans des conditions rigoureuses, permettrait de juger à la fois la culture générale et les aptitudes personnelles des aspirants. Cela nécessiterait cependant une refonte profonde de l’enseignement secondaire, avec une attention particulière portée à l’acquisition des bases académiques et des compétences rhétoriques.
- Revaloriser les épreuves écrites pour un jugement plus objectif.
- Former les élèves aux codes de l’oral pour réduire les biais sociaux.
- Privilégier des évaluations en présentiel pour une meilleure équité.
- Renforcer l’exigence dans le système scolaire dès la maternelle.
Une réforme qui soulève plus de questions qu’elle n’apporte de réponses
La réforme du concours de Sciences Po met en lumière des défis de taille. Si elle ambitionne de renouveler les critères de sélection, elle reste tributaire d’un système éducatif en crise. Tant que l’école continuera à privilégier une égalité mal comprise au détriment de l’excellence, aucune réforme ne pourra réellement offrir un équilibre entre ouverture sociale et niveau académique. En l’état, ces ajustements risquent de produire des effets limités, laissant les grandes écoles face à des choix toujours aussi complexes.